Aiguière
Qu’est-ce qu’une aiguière ?….
A cette question les dictionnaires répondent :
« Vase à anse et à bec ou l’on met de l’eau » ( Le grand Robert).
« vase à eau, à pied, col , anse et bec» ( Larousse)
« vase ornemental avec bec et anse »
Mais ces définitions, ne tiennent pas compte du caractère « cérémonial » de l’aiguière.
En effet celle-ci fait partie d’ un des rites les plus anciens de
l’humanité : avant le repas, on devait verser de l’eau sur les mains des
participants, non par soucis d’hygiène, mais afin de réaliser, une
lustration purificatrice permettant de toucher ce don de Dieu qu’est la
nourriture. (Homère, à plusieurs reprises, évoque ce rite: « par les
soins d’une esclave l’eau coule d’une aiguière d’or, et du plus beau,
dans un bassin d’argent où ils lavent leurs mains »).
En fait, dans les textes originaux, il s’agit d’un « vase ordinaire »
mais les traducteurs ont toujours estimés qu’ une verseuse en or,
contenant de l’eau lustrale, pièce principale d’un rite se déroulant
dans un palais royal n’est pas un « vase ordinaire » et doit porter un nom
montrant sa participation à une cérémonie. C’est toujours le nom
d’aiguière qui a été retenu.
La description de l’aiguière doit donc tenir compte du cérémonial
auquel elle participe et que nous allons retrouver dans ses diverses
utilisations.
Aiguière casque et bassin
Le rite du lavage des mains existe non seulement du temps d’Homère mais
« depuis toujours » et même ….de nos jours ,dans certaines religions.
Au haut Moyen âge le souverain admet quelques privilégies à bénéficier
d’un cérémonial. particulier: L’eau parfumée contenue dans une «
aiguière casque » s’écoule sur les mains placées en commun au dessus
d’un grand bassin circulaire.


Plus tardivement les convives seront placés, dos à la cheminée, d’un seul coté de la table (manger est un spectacle offert au peuple).et l’eau contenue dans l’ aiguière, versée d’abord sur les mains du maître de maison puis dans l’ordre de préséance sur celles des invites, est recueillie dans le » bassin d’aiguière » présenté par un serviteur. Le rituel se termine par l’exposition des aiguières et de leur bassin sur le dressoir, ou le nombre de marches et la profusion de l’argenterie montrent le rang et la richesse de l’hôte.

A partir de la Renaissance, le caractère sacré du repas s’estompe mais
les notions d’hygiène apparaissant, le lavage des mains(parfois remplacé
par des serviettes humides) persiste et ne disparaîtra complètement que
fin XVIIème, lorsque l’usage habituel de la fourchette l’aura rendu
inutile.
Aiguières et bassins ne disparaissent pas pour autant. Fin XVIIème et
début XVIIIème, avec une aiguière moins importante, un bassin allongé
plus petit et plus profond deviennent la pièce principale d’un nouveau
cérémonial : celui. de la toilette féminine.
Faisant partie d’une cérémonie les pièces d’orfèvrerie avaient un
caractère ostentatoire et la profusion, le raffinement et le luxe des
objets ( notamment de l’aiguière et de son bassin ) présents sur la
table de toilette évoquaient les dressoirs du moyen age.
C’est en satisfaisant à ces besoins nouveaux, que tout au long du
XVIIIème siècle (et jusqu’au debut du XIXème ) les meilleurs orfèvres
ont étés amenés à produire les « morceaux de bravoure » qui forment
l’essentiel du marché actuel des aiguières et de leur bassin.


Le XIXème est une époque charnière: après s’être arrondis, l’aiguière et son bassin seront progressivement remplacés par le pot à eau et la cuvette en céramique qui persisteront jusqu’à l’apparition de l’eau courante.
L’aiguière décorative
Au moyen âge, comme nous l’avons vu plus haut, si la très grande
dimension des aiguières et de leurs bassins avait un rôle fonctionnel il
s’y ajoutait un rôle décoratif que l’on retrouve au XVIème en Italie où
furent produits de nombreux modèles monumentaux
Sous Napoléon III, dans l’exubérance artistique de cette époque reparaissent de très grande aiguières purement décoratives.
Actuellement on trouve toujours des aiguières de taille normales et purement décoratives


L’aiguière et le vin
Il n’y avait pas de bouteilles de vin sur les tables du XVIIIème : sur
un signe, un serviteur présentait un plateau où se trouvaient un verre
et deux flacons:( l’un pour l’eau, l’autre pour le vin ).
C’est l’évolution des habitudes et l’anglomanie qui, fin XVIIIème,
début XIXème, amènent sur la table la bouteille dans laquelle le vin a
été « élevé », mais notamment pour le vin rouge, il s’agit d’un verre
opaque . Or, a cette date apparaissent de très belles aiguières faites
d’un flacon en verre ou en cristal (gravé ou taillé), enrichi au niveau
du col et de la panse par une monture d’argent formant l’anse et le
piédouche.
Depuis cette époque, afin de pouvoir apprécier leur « robe » et
rehausser leur finesse (par l’oxygénation au cours du transvasement) il
est fréquent de « décanter » les très grands vins dans une aiguières. La
dégustation prend alors l’allure d’un « rite » dans lequel la beauté de
l’aiguière et la qualité du vin, se complètent pour former un « grand
moment »………..

