Les poinçons français sous l’ancien régime

Les poinçons Français sous l’ancien régime de 1272 à 1672

Jusqu’à la fin du XVIII ème , l’argenterie jouait un double rôle:

  • ostentatoire : les pièces d’orfèvrerie savamment présentées sur les étagères de « dressoirs » monumentaux témoignaient de la fortune et du rang du maître de maison.
  • de réserve monétaire : elles pouvaient être fondues et transformées en espèces par l’Hôtel des Monnaies. Cette opération était possible, car la valeur marchande d’une pièce d’orfèvrerie provenait pour 10% du coût du travail et pour 90% de la valeur de l’argent fin qu’elle contenait. (De nos jours, les chiffres sont inversés, la valeur de l’argent fin entrant dans l’alliage avec lequel est fabriquée une pièce d’orfèvrerie représente moins de 10% de sa valeur marchande.) . Mais une difficulté pouvait surgir: l’Hôtel des Monnaies ne fournissait en espèces que l’exacte contrepartie du « fin » contenu dans la pièce, or si le poids de celle-ci était sans conteste celui pour lequel elle avait été achetée, le poids d’argent « fin » qu’elle contenait dépendait de l’honnêteté de l’orfèvre qui l’avait fabriquée (ceux-ci fabriquaient eux-mêmes leurs alliages). Cette incertitude fut la source de nombreux problèmes et il apparut nécessaire de contrôler le titre et de responsabiliser les orfèvres.( Si les meubles furent signés à partir du XVIII ème, en raison de ce rôle de réserve monétaire l’orfèvrerie le fut dés le XIII ème).


En 1272 le titre est garanti par un poinçon de la Maison Commune.

En 1378,une ordonnance de Charles V dispose que les pièces d’orfèvrerie doivent être insculpées de deux poinçons:

1° celui de la Maison Commune : lettre date couronnée qui :
– identifie la jurande a laquelle appartient l’orfèvre
– garantit un titre minimum de 958 pour mille (une marge d’erreur de 7 pour mille, appelée « remède », était tolérée.)
– par sa lettre date, fixe l’année de fabrication

2° celui de l’orfèvre comportant:
– ses initiales
– pour Paris ,à partir de 1502, deux grains de remède
– un « différent » propre à chacun poinçon de jurande poinçon d’orfèvre

poinçon de jurande                                                      poinçon d’orfèvre

Poinçon de jurande  Paris 1603
 Louis Trezelle Paris 1520

De 1672 à 1789 : Les poinçons des « Fermiers Généraux »

Pour financer les guerres de Louis XIV, de nombreux impôts furent créés, et notamment, une taxe sur les métaux précieux perçus par les fermiers généraux .
Entre 1672 et 1680 des arrêts successifs:

  • instituent une taxe sur la fabrication des métaux précieux: le Droit du Roy
  • déterminent la forme et la dimension :

– du poinçon de Maître
– du poinçon de Jurande

  • créent deux poinçons à signification fiscale

– le poinçon de charge
– le poinçon de décharge.

De 1672 à 1789 les pièces d’orfèvrerie seront donc insculpées de quatre poinçons que l’on a coutume de désigner sous le vocable de « poinçons des fermiers généraux ».

Le poinçon du Maître

Il est insculpé par l’orfèvre sur l’ébauche de la pièce et doit comporter :

  • une fleur de lys couronnée
  • les initiales de l’orfèvre ou son nom
  • un « différent » permettant de distinguer les homonymes.
  • deux points appelés « grains de remède » Poinçons conformes à la réglementation de l’époque

Poinçons conformes à la réglementation de l’époque

Couronne, Fleurs de lys, Grains de remède, Différent, Initiales

Notez que le nom de famille correspond à la dernière lettre

Poinçons de province non conformes à la réglementation de l’époque

Barthélemy Samson – Toulouse
Imlin – Strasbourg
 Pierre Rivière – Bordeaux

Poinçon d’orfèvre avec armoirie des villes

Maître Orfèvre Daniel Desmarets – Ville de Caen
Maître Orfèvre André Lasnier – Ville de Laval

Le poinçon de charge

Apres avoir apposé son poinçon sur l’ébauche, l’orfèvre l’apporte au commis du fermier de la généralité qui va apposer le « poinçon de charge », signifiant que, lorsque la pièce sera terminée ,l’orfèvre sera chargé d’acquitter le « Droit du Roi ».
La France était partagée en trente et une généralités identifiées par leur différent monétaire.
pour les « gros ouvrages » une lettre ou un chiffre sont restés identiques de 1672 a 1784
pour les « petits ouvrages » par un symbole propre à chaque généralité.

Juridiction de Paris
Poinçons de charge

1672-1677
juillet 1684-oct.1687
oct. 1687-déc.1691
déc. 1691-avril 1698

Poinçons de charge et de décharge de Paris

Juridiction de Province

Hôtels des monnaies
lettres des principales régions
au XVIII éme siècle

Paris
Rouen
Caen
Lyon
Tours
Angers
Poitiers
La Rochelle
Limoges
Bordeaux
A
B
C
D
E
F
G
H
I
K
Bayonne
Toulouse
Montpelier
Riom
Dijon
Perpignan
Orléans
Reims
Nantes
Troyes
L
M
N
O
P
Q
R
S
T
V
Amiens
Bourges
Grenoble
Aix
Metz
Strasbourg*
Besançon*
Lille*
Rennes
Pau*
X
Y
Z
&
AA
BB
CC
W
9
 
* Indique une ville où le droit de marque n’était pas perçu
La ville de Pau avait choisi comme pinçon une vache couronnée

Exemple
« Poinçons de charge » ou « Poinçons de la Marque »

Toulouse 1750/1756
Paris 1768/1774
Bordeaux 1739/1750

De 1672 à 1789 les chiffres ou les lettres restèrent les mêmes mais une modification de forme intervint à chaque changement de fermier (environ 17 fois entre 1672 et 1789 ). Nous avons pu reproduire ces changements pour Paris mais, pour la province, les 500 poinçons de charge ont rendu la chose impossible. Nous nous contenterons donc de quelques exemples montrant, pour la même juridiction, le changement de forme intervenu entre deux dates.

Bordeaux                                                                          Toulouse                                                              Reims

Bordeaux 1739-1750
Bordeaux 1770-1774
Toulouse 1744-1756
Toulouse 1781-1785
Reims 1768-1774
Reims 1774-1780

Le poinçon de Jurande

Le poinçon de charge étant insculpé ,l’orfèvre se rendait à la Maison commune afin de présenter l’ébauche au « Garde » (nommé pour une année renouvelable et personnellement responsable) qui coupait un morceau de la pièce, l’essayait ,et si elle était au titre prescrit, apposait le poinçon de jurande qui, à deux grains de remède près, garantissait le titre de 958 /1000.
Ce poinçon dont les dimensions sont déterminées( 4,05 /3mm) comporte:

  • une lettre date couronnée ou fleurdelisée, changeant chaque année,( le J, le U et le W n ‘étant pas utilisés, la rotation était de 23 ans ) parfois, un symbole permet d’identifier la ville (B ou BOR pour Bordeaux, un lion pour Lyon etc.…
  • parfois la lettre étant seule, rien ne permet une identification immédiate.

De plus, de chaque généralité dépendaient un certain nombre de villes ayant leur propre communauté et…. leur propre poinçon de jurande dont la forme de la lettre date différait souvent de celui de la généralité.
Il existe donc des milliers de poinçons de jurande et nous n’en donnerons que quelque exemples.

Le poinçon ne permet pas d’identifier la ville – Paris 1677
Le poinçon ne permet pas d’identifier la ville – Paris 1735
Un symbole permet d’identifier la ville – Bordeaux 1711
Un symbole permet d’identifier la ville – Bordeaux 1732
Un symbole permet d’identifier la ville –  Lyon 1755
Un symbole permet d’identifier la ville – Lyon 1773

Le poinçon de Décharge

La pièce terminée, l’orfèvre la présente à nouveau au bureau du fermier et acquitte le « Droit du Roi ». Il est alors « déchargé » de cette dette : un quatrième et dernier poinçon vient en témoigner :c’est le poinçon de décharge.
Ce poinçon, beaucoup plus petit que les précédents, variait avec chaque fermier, et sa durée correspondait généralement à celle de la régie de la ferme.
Il pouvait prendre des formes diverses, totalement imprévisibles ( chaussure, tête d’oiseau, tête de chien, lyre, etc ) et, apposé sur la pièce terminée, il est généralement très lisible, mais …..il est parfois absent ..!
Les poinçons de décharge se comptent par centaines et a titre d’exemple on consultera le tableau des poinçons de Paris ci-dessus ainsi que les quelques reproductions ci-dessous.

Lyon 1721
Beaune 1781
Bordeaux 1743
Paris 1722
Paris 1775

Evolution du poinçon de jurande

En 1784, la cour des monnaies supprime les lettres date des poinçons de Jurande et dans chaque juridiction les remplace par un poinçon millésimé spécial à la ville dans laquelle siège la jurande, par exemple : P pour Paris, un alambic pour Montpellier, une colombe pour Lille, une chaise pour Arras, une licorne pour Bordeaux etc…

Points d’application des poinçons

Ces quatre poinçons étaient apposés obligatoirement sur certaines parties précises du corps de la pièce ainsi que sur les parties mobiles (couvercle par exemple).
Dans certaines juridictions, le poinçon de maître était aussi apposé sur les parties soudées à la pièce (pieds, anses, becs).
Ces obligations, respectées à Paris et dans certaines juridictions de province, étaient parfois « oubliées » dans d’autres…..s’il est donc très préférable qu’une pièce soit revêtue de tous les poinçons légaux, l’absence d’un certain nombre de ceux-ci, n’implique nullement un rejet.

Autres poinçons du XVIII siècle

Il existe pour cette période des dizaines d’autre poinçons, mais s’ils sont d’un intérêt certain pour « l’histoire » de la pièce ils ne peuvent servir que très indirectement à son identification . Nous en décrirons cependant quelques-uns dans le glossaire mais les décrire tous serait hors de notre sujet qui n’est pas d’être exhaustif mais de donner des notions simples , aidant un acheteur non averti à identifier la pièce qu’il a entre les mains.   

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